Pour commercialiser des semences, la loi dans l’Union européenne (UE) est stricte : pas de ventes de semences tant que ma nouvelle variété n’est pas inscrite au Catalogue Officiel européen des variétés, qui est la somme des catalogues nationaux des États membres de l’UE.
Selon le type de variété (ancienne, récente, population…), le type d’espèce (avec ou sans porte-greffe, essence forestière…), le pays où l’on désire commercialiser les semences (France, Union européenne, ailleurs...), on visera différents catalogues (français, européen) pour différents usages (amateurs, production commerciale, exportation hors de l’UE, usages industriels…). Le catalogue officiel français comporte ainsi 14 listes différentes !
Une démarche d’inscription longue et chère
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Étape 1 : Il va falloir que je dépose un dossier auprès du secrétariat général du Comité Technique Permanent de la Sélection (CTPS, voir ci-dessous), qui le fera suivre à sa section spécialisée « maïs et sorgho », l’une de ses 14 sections par espèce. Ce dossier est constitué de formulaires que je dois remplir : informations administratives, description sommaire établie sur la base d’un minimum de caractères morphologiques et physiologiques, et proposition de dénomination variétale. Ces formulaires, ainsi que des instructions complémentaires, sont en ligne sur le site du Groupe d’étude et de contrôle des variétés et des semences (Geves).
En téléchargeant ma notice pour le maïs, je constate que ma demande doit parvenir avant le 15 février de chaque année, qu’il faut que j’envoie mes échantillons avant le 5 mars, et qu’il faudra que je paye des droits d’inscriptions et d’examen : 7 500 euros d’examen DHS et Vate (voir plus bas), et 7 650 euros de plus pour maintenir l’inscription une vingtaine d’années. En tout donc, 15 150 euros [1].
À noter que pour une variété de conservation ou sans valeur intrinsèque, il n’y a qu’un droit administratif unique de 284 euros à payer. Mais pour le moment, l’inscription est gratuite, car les examens techniques sont pris en charge soit par le ministère de l’Agriculture (variété de conservation), soit par la section potagères du Gnis, sous condition que l’obtenteur le demande.
Étape 2 : le Geves va ensuite pratiquer une série de tests, afin de vérifier que la variété est effectivement distincte des précédentes, homogène et stable (les fameux critères DHS) ; et, pour les plantes de grande culture, il évaluera la valeur agronomique, technologique et environnementale (Vate).
Étapes 3 à 5 : le Geves fournit son rapport au CTPS qui émet un avis consultatif au ministère de l’Agriculture qui inscrit, ou non, la variété au catalogue.
Si je veux aussi empêcher un concurrent de vendre les semences de ma nouvelle variété, je dois la protéger par un droit de propriété industrielle, le Certificat d’obtention végétale (COV) : il m’en coûtera 8 600 euros pour une protection dans l’Union européenne, contre 3 000 euros pour une protection uniquement sur le sol français.
Enfin, pour vendre des semences, il faut que je déclare mon activité au Gnis (et non à l’État !) et que je respecte l’ensemble des normes de production, déterminées par espèces, fixées par les règlements techniques homologués par le ministre de l’Agriculture (isolement des cultures, état sanitaire, superficie des cultures, ou encore pureté spécifique et qualité germinative). En France, en 1962, le ministère de l’Agriculture a délégué la mission de contrôle officiel et de certification au service technique du Gnis, créé à cet effet, le Soc.
Ce parcours du combattant, complexe, long (quatre à cinq ans) et coûteux (près de 25 000 euros pour inscrire et protéger sur 20 ans), réserve de facto l’inscription au catalogue principalement aux semenciers (et à quelques artisans sélectionneurs opiniâtres et patients). Certaines « souplesses » envisagées dans le cadre du plan Semences et plants pour une agriculture durable du ministère de l’Agriculture faciliteront-elles l’inscription par les paysans eux-mêmes ?
Organismes officiels français pour les semences
CTPS : le Comité technique permanent de la sélection a des missions régaliennes : gestion du catalogue ; élaboration, proposition et mise en application des règlements techniques d’inscription ; production, contrôle et certification variétale et sanitaire des semences et des plants. Il associe des représentants des administrations concernées, les principaux acteurs de la filière des variétés et des semences, ainsi qu’un seul représentant des associations de consommateurs et des organisations environnementales.
Geves : le Groupe d’étude et de contrôle des variétés et des semences est un groupement d’intérêt public (arrêté du 11 mai 1989), organisme officiel unique en France assurant l’expertise sur les nouvelles variétés végétales (inscription et protection juridique) et l’analyse de la qualité des Semences (certification des semences avant leur commercialisation). Il est constitué par l’Inra, le ministère en charge de l’Agriculture et le Gnis.
Gnis : quand le public fleurte avec le privé
Le Groupement National Interprofessionnel des Semences et plants est un organisme officiel et interprofessionnel. Son conseil d’administration est composé des huit sections professionnelles spécialisées de la filière semences et plants. Ces sections regroupent en cinq collèges les acteurs de la filière semence : sélection (obtenteurs), multiplication (agriculteurs multiplicateurs), production (semenciers), commerce (distributeurs, jardinerie) et utilisation (FNSEA). Le Gnis a été restructuré en 2015 pour devenir une interprofession 100 % privée conformément à la législation européenne sur les interprofessions.
Caractéristique exacerbée de ces partenariats privés-publics qui fleurissent partout, le conseil d’administration du Gnis est composé presque pour moitié (8 membres sur 18) de personnes issues des entreprises semencières privées.
Dans la mesure où le Geves est constitué entre autre par le Gnis, où siègent des entreprises semencières, la possibilité d’un conflit d’intérêt existe lors de ces examens.
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