La recherche sur les origines du virus fait appel d’une part à des méthodes phylogénétiques, c’est-à-dire des recherches de parentés entre les virus grâce à leur information génétique, ce qui donne accès à leur histoire ou à une partie de celle-ci ; et d’autre part, à des connaissances concernant les écosystèmes et l’émergence des pathogènes [1]. Cette recherche de l’origine du SARS-CoV-2 s’oriente aussi sur l’utilisation des virus en laboratoire.
De très nombreuses publications ont cherché à documenter l’hypothèse d’un passage direct du virus de la Covid depuis des animaux sauvages (ou d’élevage) à l’Homme. Cette hypothèse zoonotique n’est toujours pas validée. Nous nous penchons ici sur l’autre hypothèse, elle aussi non confirmée, de manipulations de virus en laboratoire, notamment dans les laboratoires dits à sécurité maximale, les laboratoires P4 (Pathogènes de classe 4 : les plus dangereux.)
Des virus modifiés ou créés en laboratoire
Les modifications de virus en laboratoire sont de plusieurs types.
Il y a d’abord ce que l’on appelait dès 1995 "passages en série" et que l’on appelle maintenant gains de fonction des virus (Gain of function - GoF - en anglais). Il s’agit de faire passer successivement un virus d’un animal à une suite d’autres animaux ou d’une culture de cellules d’un animal à des cultures de cellules d’autres animaux. Ainsi, on "force" les virus à muter bien plus rapidement qu’ils ne pourraient le faire dans la nature et à s’adapter à de nouvelles espèces qu’ils n’auraient vraisemblablement jamais rencontrées. Si le gain de fonction est un processus naturel comme le soulignent de nombreux scientifiques, la rapidité avec laquelle il est produit au laboratoire n’a rien de naturel. Concrètement, un virus non virulent ou non transmissible pour une espèce donnée peut le devenir. Les gains de fonction permettent a un virus exclusivement animal de devenir contaminant pour l’espèce humaine. On utilise en laboratoire des souris humanisées, c’est-à-dire génétiquement modifiées pour avoir des caractéristiques moléculaires de l’espèce humaine ou des cultures de cellules humaines [2]. Ces manipulations ne laissent pas de traces ou celles-ci peuvent être effacées.
Dans ces laboratoires, des manipulations du génome des virus sont aussi réalisées avec tous les outils des biotechnologies.
Enfin, certains laboratoires construisent de toutes pièces des parties de virus ou des virus entiers artificiels [3].
Le but à atteindre, d’après les chercheurs qui réalisent toutes ces expérimentations, est d’anticiper leur éventuelle apparition "naturelle" (ou artificielle) afin officiellement de pouvoir s’en prémunir, notamment en préparant des vaccins.
Un éclairage intéressant par un acteur stratégique
Peter Daszak, zoologiste et expert en maladies d’origine animale, est devenu un acteur central sur la scène mondiale du SARS-CoV-2. Il préside EcoHealth Alliance, une organisation à but "non lucratif" dont le but est de protéger le monde des nouvelles pandémies. Cette organisation a recueilli des fonds (3,7 millions de dollars) des instituts nationaux de santé (NIH) des États-Unis. Cet argent a été été injecté entre autres au laboratoire américain de Caroline du Nord où travaille un chercheur nommé Ralph Baric. Ce laboratoire utilise les techniques de gain de fonction et les biotechnologies appliquées aux virus [4]. Il développe aussi des recherches sur les armes biologiques [5]. Il a été touché par l’interdiction du financement des expériences de gain de fonction de 2014 à 2017 par le Président Obama, suite à l’épidémie du virus Ebola en Afrique et suite à des accidents de laboratoires aux États-Unis.
Ralph Baric a travaillé dès février 2020 à la construction d’un SARS-CoV-2 synthétique [6]. Son laboratoire a été privé de financement en 2020 par les NIH.
Dans un document vidéo [7] réalisé en décembre 2019 avant la déclaration officielle du début de la pandémie, Peter Daszak parle des modifications des virus en laboratoire et notamment des coronavirus. Il mentionne sa collaboration avec Baric et dit à propos des GoF : "Nous travaillons avec Ralph Baric à l’UNC [Université de Caroline du Nord] pour faire cela". Il parle de l’insertion de la protéine spike "dans un squelette d’un autre virus", puis d’un "travail en laboratoire". Ainsi, il reconnaît la création artificielle de nouveaux virus dans l’intérêt d’un vaccin.
Une partie de cet argent public recueilli par l’organisation de Daszak aux États-Unis a aussi servi à financer les travaux de la chercheuse Shi Shengli au laboratoire de l’institut de virologie de Wuhan (WIV). Dans ce laboratoire de haute sécurité, la virologiste travaille sur les virus de chauve-souris qu’elle et son équipe récoltent dans la nature.
Pendant l’interdiction des gains de fonction aux États-Unis de 2014 à 2017, Peter Daszak a aussi versé au WIV des fonds provenant de l’armée américaine pour lui permettre de poursuivre ce type de travaux.
Dans le document vidéo, Daszak ne met pas en doute que le WIV modifiait des coronavirus et Shi Shengli a écrit en 2019 : "...On sait peu de choses sur la réplication et la pathogenèse de ces virus de chauve-souris. Ainsi, les travaux futurs devraient se concentrer sur les propriétés biologiques de ces virus en utilisant l’isolement du virus, la génétique inverse et les tests d’infection in vitro et in vivo. Les données qui en résulteraient aideraient à prévenir et à contrôler les maladies émergentes de type SRAS ou de type MERS à l’avenir". Les termes sont prudents mais il s’agit au minimum de techniques de gains de fonction des virus. La subvention des NIH elle-même précise : "Nous utiliserons des données sur les séquences de protéines S, la technologie des clones infectieux, des expériences d’infection in vitro et in vivo", la technologie des clones infectieux étant la création de clones viraux synthétiques vivants [8].
Toujours dans cette vidéo de décembre 2019, Daszack semble révéler que l’objectif des expériences de GoF était de développer un vaccin pan-coronavirus, c’est-à-dire non spécifique au SARS-CoV2, mais efficace aussi pour de nombreux autres types de coronavirus, un vaccin universel en quelque sorte. Il déclare : "Maintenant, la progression logique pour les vaccins est la suivante : si l’on veut développer un vaccin contre le SRAS, les gens vont utiliser le SRAS pandémique, mais essayons d’insérer ces autres maladies apparentées pour obtenir un meilleur vaccin".
D’après les dires de Daszak, l’hypothèse d’une modification d’un virus de chauve-souris proche du SARS actuel et qui aurait donné en laboratoire le SARS-CoV-2 mérite donc d’être posée. Ce nouveau virus se serait alors échappé d’un laboratoire : du WIV de Wuhan ou de l’un des autres laboratoires travaillant en collaboration avec lui ?
Un inspecteur actuel de l’OMS, juge et partie
En fait, ces déclarations avant la pandémie surprennent d’autant plus qu’elles proviennent d’un des inspecteurs de l’OMS : Daszak lui-même, seul représentant des États-Unis à faire partie de la mission de l’OMS à Wuhan. Ainsi, Peter Daszak qui finance le WIV de Wuhan, qui connaît parfaitement les recherches sur les virus menées dans ce laboratoire, y a été nommé inspecteur. Cherchons l’erreur.
La mission de l’OMS a récemment dévoilé son rapport : "L’étude conjointe des experts de l’Organisation mondiale de la santé (OMS) et chinois a conclu ce lundi 29 mars que la transmission à l’homme par un animal intermédiaire est une hypothèse « probable à très probable », tandis qu’un incident de laboratoire reste « extrêmement improbable »" [9].
Dans ce contexte, faire la lumière sur l’origine du virus devient donc urgent et indispensable. Des équipes de chercheurs indépendants ont d’ailleurs lancé un appel pour une enquête internationale en ce sens [10]. Sera-t-elle possible ?